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Diocèse de Tours

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Message du Père André Collange - Un appel au discernement
Par VDA**********AIL le 16/11/2020 13:30:00:00, cet article a été lu 18321 fois.

Frères et sœurs, il y a quelques mois, le premier confinement avait suscité paradoxalement un regain de ferveur, de conscience eucharistique et d’unité. Il fut édifiant par la foi et la maturité spirituelle de beaucoup. Il faut reconnaître que ce second confinement nous met à rude épreuve car il n’a rien à voir avec le premier. L’ouverture des écoles, la possibilité d’aller travailler, les accommodements multiples que beaucoup font, ne peuvent que nous désorienter. Là où le pragmatisme et l’obéissance aux pouvoirs publics s’étaient installés, se trouve désormais une multitude de réactions allant de la résignation à la révolte. Nous observons, comme dirait Spinoza, un réveil des « passions tristes » (passions autodestructrices), dont l’un des risques – et non le moindre – est d’abîmer la charité, l’unité, la fraternité dans l’Église. Il y aurait d’un côté des cathos trop « tradis » et de l’autre des chrétiens trop mous… Je ne souscris pas à cette vision dialectique réductrice. Je connais des chrétiens qui choisissent de vivre de la communion spirituelle et ne manquent pas pour autant de ferveur et des chrétiens qui demandent la communion et ne sont pas des hystériques. La catégorisation est un piège qui nous guette tous. J’aimerais dans un premier temps revenir sur les 4 raisons qui ont conduit l’Église à favoriser la communion spirituelle, dont je vous rappelle que c’est Mgr Centène qui le premier a invité ses fidèles à en vivre (évêque à qui on ne peut reprocher la perte du sens de l’eucharistie).

1 Un contexte objectif – L’Église ne peut s’abstraire du monde dans lequel elle vit. Voici ce que rappelait le concile Vatican II : « La communauté des chrétiens se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. » (Gaudium et Spes § 1) Les personnels soignants sont sur la brèche depuis de nombreux mois. Nous ne pouvons faire semblant d’ignorer ce contexte sanitaire. Nous serions alors objet de scandale. La crise que nous traversons n'est pas imaginaire. Certains de nos frères ont été longuement hospitalisés. D’autres ont rejoint le Père. En tant que curé de paroisse je ne peux faire autrement que d’agir de manière responsable. Ce n’est pas le culte qui est interdit mais les rassemblements, ce qui n’est pas exactement la même chose. La situation est complexe. Je dois accompagner une communauté relativement nombreuse dans un espace contraint. Comment contenter le désir de chacun tout en respectant une légitime distanciation physique qui vise, ne l’oublions pas, à protéger les personnes fragiles et à risque de notre paroisse et à éviter la propagation du virus ? S’il est facile d’identifier ses besoins et ses frustrations, il est parfois plus difficile de comprendre et situer les enjeux permettant de veiller au bien commun. Je dois reconnaître que je me sens face à une équation insoluble entre responsabilité pastorale et responsabilité sociale.

2 La loyauté à l’égard des pouvoirs publics – Saint Paul, dans l’épître aux Romains, exhortait ces derniers par ces mots : « Que chacun soit soumis aux autorités supérieures, car il n’y a d’autorité qu’en dépendance de Dieu, et celles qui existent sont établies sous la dépendance de Dieu ; si bien qu’en se dressant contre l’autorité, on est contre l’ordre des choses établi par Dieu » (Rm 13, 1-2). Certains diront que des lois injustes n’obligent pas en conscience. Rappelons-nous ce que disait saint Thomas d’Aquin « on est parfois tenu à céder son droit afin d’éviter le scandale et le désordre » (Somme Théologique, Ia IIae, q 96, a 4). Car la désobéissance aux pouvoirs civils peut engendrer un mal plus grand. Si chacun édicte ses propres règles, comment peut-on encore parler de bien commun ? Comme le rappelle saint Pierre, supporter une injustice peut contribuer de façon efficace à notre salut : « c’est une grâce de supporter, par motif de conscience devant Dieu, des peines que l’on souffre injustement » (1 P 2, 19). N’y a-t-il pas là aussi une piste pour vivre ce temps dans une lumière spirituelle ?

3 L’intégrité de la célébration eucharistique - Recevoir la communion prend son sens au sein de la célébration de la messe par la communauté rassemblée, dans l’unité des deux nourritures que sont la Parole de Dieu et l’Eucharistie. L’introduction au rituel de l’Eucharistie en dehors de la messe est on ne peut plus clair : « La participation la plus parfaite à la célébration eucharistique consiste à recevoir la communion sacramentelle au cours de la messe. Il faut amener les fidèles à communier dans la célébration eucharistique elle-même. » L’Église nous dit que la communion en dehors de la messe ne peut-être qu’une exception, notamment permise pour nos frères et sœurs malades, jamais une norme. Là encore saint Paul l’affirmait déjà : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain. » (1 Co 10, 17) Oublier ce lien profond entre le corps du Christ qu’est l’Église et cet autre corps du Christ qu’est l’Eucharistie, risque de transformer le prêtre en distributeur de communion, ce qui n’a pas de sens.

4 La communion fréquente n’a pas toujours été la norme – Il est important de se souvenir que saint Pie X (début du XXe siècle) devait militer pour que soit acceptée la communion fréquente. Au Moyen-Âge la communion au banquet eucharistique était rare. Personne ne s’en offusquait et cela ne dispensait pas pour autant du devoir d’assister à la messe. Il faut attendre 1905 pour qu’un pape se prononce à ce sujet. L’Église se serait-elle trompée durant dix-neuf siècles ? A cette époque une carmélite ne communiait qu’une fois par mois et un laïc quelques fois dans l’année. La raison en était simple : l’Eucharistie est une grâce si grande, nous en sommes si peu dignes que la communion fréquente paraissait être un manque de respect… Notre rapport à l’Eucharistie, cela va sans dire, a profondément évolué, pour le meilleur, mais aussi parfois pour l’un peu moins bon… D’une grâce, l’Eucharistie serait devenue un droit… Tous ces éléments me conduisent à penser que nous ne nous sommes pas trompés en invitant largement les chrétiens, lors du premier confinement, à vivre de la communion spirituelle et aujourd’hui encore, pour tous ceux qui le peuvent, à continuer à le faire. L’Eucharistie est un sacrement, signe et moyen de rencontrer le Christ ; mais il est possible de vivre cette rencontre avec le Christ par d’autres moyens : dans la lecture priée de sa Parole vivante, dans la prière en famille, dans l’accueil ou la rencontre des personnes isolées, dans la bienveillance et dans la paix que nous nous efforçons de vivre dans nos relations avec autrui. Nous pouvons trouver dans cette période de confinement une occasion heureuse d’investir plus encore la lecture de la Parole de Dieu. D’ordinaire, il nous arrive de l’écouter de façon distraite. C’est pourtant une nourriture immédiatement accessible. « Tout près de toi est la Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. » (Rm 10, 8) En retrouvant le chemin de la Parole, nous pourrions faire d’une contrainte, une bénédiction et une grâce.

Toutefois, la crise que nous traversons semble s’allonger et il n’est pas impensable que nous devions connaître de nouvelles périodes de confinement. J’ai été particulièrement sensible au témoignage de personnes qui m’ont fait part de leur souffrance et de leur difficulté à vivre ce second confinement. C’est pourquoi, en accord avec notre évêque, j’ai pris la décision de permettre des exceptions à la norme liturgique qui consiste à vivre la communion au sein de la célébration eucharistique. Ces exceptions, je tiens à ce qu’elles soient vécues dans le respect des normes sanitaires, en respectant les gestes barrières, sans créer de rassemblements, et donc sur rendez-vous individuels.

Autre question qui m’a été posée : pourquoi ne pas célébrer dans les familles ? Parce que ce serait réserver l’Eucharistie à une poignée de personnes et créerait des injustices. Je me sens le pasteur de toute la communauté et pas d’un groupe d’amis ou de privilégiés.

J’attire votre attention sur plusieurs points :

- Je vous invite chacun à un discernement pour, en conscience, sentir ce à quoi le Seigneur vous appelle, ce que vous êtes capable de vivre, d’offrir et de porter, sans jugement ni sentiment de supériorité. Le choix de la communion spirituelle peut demeurer un chemin de sanctification.

- Recevoir la communion implique une préparation. J’invite ceux qui prendront rendez-vous à participer aux diffusions de célébrations (TV, radio ou Internet) afin d’y adjoindre l’écoute de la Parole et la communion fraternelle avec une communauté chrétienne.

D’autre part, tâchons, chacun et chacune d’entre nous, d’appliquer avec sérieux la mise en œuvre des mesures sanitaires. Une incivilité publique des chrétiens rendrait plus difficile encore le travail de nos évêques pour un rapide retour à une vie liturgique normale. Soyez assurés de ma prière comme je compte sur la vôtre.

Père André