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2 - La résurrection selon Tolkien ...
Par VDA**********AIL le 15/03/2024 10:00:00:00, cet article a été lu 14355 fois.


2. La résurrection selon Tolkien


Le Seigneur des anneaux, c’est un livre que vous avez peut-être lu, un film que vous avez sûrement vu. Eh bien, cette histoire ne déroule pas seulement des batailles grandioses, des hobbits qui affrontent des araignées géantes, des magiciens qui s’envolent sur des aigles, des histoires d’amour entre les hommes et les princesses elfes. Non !

Si l’histoire inventée par Tolkien est devenue le roman le plus lu au monde, ce n’est pas - seulement - parce que son auteur avait beaucoup de talent et d’imagination – des arbres qui marchent, il fallait y penser ! -



Il y autre chose.

Pour susciter un tel engouement, pour que notre cœur s’emballe au fur et à mesure que la Communauté de l’anneau s’achemine vers le Mordor, il faut que ce récit touche en nous une fibre secrète. Il faut que cette quête réponde à une attente de notre âme. Lâchons le mot : nous avons besoin d’ une espérance. Nous voulons que la Terre du Milieu soit sauvée ! Nous voulons qu’il y ait un Sauveur ! Et comme l’histoire de Frodon, de Gandalf et d’Aragorn devient petit à petit notre histoire, nous avons besoin d’une issue heureuse. Tolkien lui-même l’expliquait : ce qui fait l’essence d’un conte, c’est notamment que tout finisse bien.

Le Seigneur des anneaux est un chef d’œuvre parce que derrière l’épopée aventureuse, il y a un projet. Tolkien a le souci de dérouler, sous la forme d’une fiction, le mystère de notre destinée. Il n’a jamais mis sa foi dans sa poche. Il écrivait :

« mon livre est une œuvre fondamentalement religieuse et catholique. J’ai construit mon récit sur des idées religieuses ou à partir d’elles. »

La conséquence de cette narration confessionnelle, c’est qu’à la fin de l’histoire, tout sera sauvé. Autrement dit, le fil d’or qui court invisible sous le récit et qui en fait la trame, c’est le thème du Salut et de la Résurrection.


Dans une conférence donnée à l’université Saint Andrews en Ecosse le 8 mars 1939, Tolkien affirmait :

« Le conte de fée doit comporter la consolation d’une fin heureuse. C’est ce que j’appelle l’eucatastrophe – du grec « catastrophos » qui signifie « bouleversement » et du préfixe « eu » qui veut dire « bon, bien » : donc un bouleversement qui entraine un bien. Cette eucatastrophe provoque la joie, la joie de la fin heureuse. Or cette joie est toujours dans le conte soudaine et miraculeuse. Elle dénie la défaite universelle finale. Elle est un evangelium. Elle donne un aperçu fugitif de la joie, une joie qui dépasse les limites de ce monde. Cette joie éprouvée quand on finit la lecture d’un conte fait sentir soudain la réalité ou la vérité sous-jacente. Elle oblige le lecteur à se poser la question : « et si c’était vrai ? » Et si le récit imaginaire était le reflet ou l’écho de l’evangelium du monde réel ? Car la naissance du Christ est l’eucatastrophe de l’histoire des hommes et la Résurrection est l’eucatastrophe de l’histoire de l’Incarnation. Cette histoire débute et s’achève dans la joie. »


Voilà les principes qui mènent le récit dans le Seigneur des anneaux. Si le roman a un tel succès, c’est qu’il répond à notre secrète espérance que à la fin tout sera bien… et même mieux. Comme le dit le Christ à Julienne de Norwich, une mystique anglaise du XIVe siècle : « all shall be well » : à la fin, tout est bien. C’est l’histoire de Frodon et Sam, c’est l’histoire de Aragorn et Arwen. C’est l’histoire du Salut par Jésus-Christ, c’est l’histoire de la passion et de la Résurrection : à la fin, le Christ a vaincu la mort et le péché, et « dans leur joie, les apôtres n’osaient pas y croire… »

Dans son roman, Tolkien se montre un subtil théologien et un croyant fidèle au mystère chrétien. C’est ce qu’il appelle l’applicabilité.  « Mon monde imaginaire est compatible avec les acquis de la Révélation chrétienne » affirme-t-il. Ainsi, après la victoire, la Terre du Milieu ne redevient pas comme avant. Le combat contre le mal a laissé des traces. Jésus montre à Thomas son côté transpercé et Frodon garde au cœur la blessure d’une lame de Morgul. A travers cette souffrance, c’est aussi un nouveau monde qui nait, plus fécond, plus beau. Aragorn établit un règne de paix. Il réconcilie les vivants et les morts, il unit les peuples et même il régénère la nature. Il en est de même pour nous : après la Résurrection du Christ, rien ne sera plus comme avant. « Voici, je fais toute chose nouvelle ». Dorénavant, nous n’avons plus peur du noir, car nous savons que le Christ est vainqueur et que nous sommes aimés et sauvés par lui.

Après la victoire, la joie éclate dans la forteresse de Minas Tirith. Une joie exubérante, parce que la lumière a vaincu les ténèbres, parce que les amis se retrouvent, cabossés mais vivants, parce que la mission a été menée à bien, quoi qu’il en coûte. C’est exactement la joie qui nous est promise au matin de la Résurrection. La Lumière resplendit dans les ténèbres ; après les jours de douleurs, c’est la victoire de la vie en surabondance ; le Christ a accompli sa mission reçue du Père en donnant sa vie pour ses amis : il attire tout à lui et réalise les promesses faites au peuple saint.


Alors relisons le Seigneur des Anneaux à la lumière de l’Evangile : c’est l’histoire des petits qui ont fait triompher la vie par le don de leur vie. Mais relisons aussi le récit de la passion et de la résurrection du Seigneur : vivons avec les apôtres de l’accablement à la victoire, de la peur à l’audace, de la catastrophe à l’eucatastrophe, de l’angoisse à la joie. Une joie qui rayonne et transforme nos vies, cette joie parfaite qui est d’essence divine et que Jésus nous donne au matin de pâques.

 

Pour aller plus loin :

Philippe Verdin, Mon Précieux, Cerf, Paris, 2019.

La résurrection selon Tolkien ...