1. Hosanna, quelle signification ?
Savez-vous ce que veut dire : « Hosannah » ?
Hier matin, je demandais à un frère s’il connaissait le sens du mot «
Hosanna ». Il me répondit qu’il ne savait pas. Or il semble important de
comprendre ce qu’il signifie quand on aborde l’entrée de Jésus à
Jérusalem.
L’entrée à Jérusalem
Jérusalem est le lieu le plus fréquemment cité dans la Bible. C’est
le roi David qui avait conquis cette cité jébuséenne et l’avait choisie
pour capitale politique, mille ans avant Jésus-Christ. La ville devint
ensuite un haut lieu de pèlerinage et la capitale religieuse de Judée.
Jésus y vient à l’occasion des fêtes juives de son temps, notamment pour
l’importante fête de (« Pesah ») « la Pâque des Juifs » (Jean 11, 55).
Jésus y était allé « réveiller son ami Lazare qui était malade » (Jean
11, 11) et venait de mourir. Jésus l’avait ressuscité (Jean 12, 17) pour
que tous croient que Dieu son Père l’a envoyé. (Jean 11, 42). C’est
pourquoi les Juifs cherchaient à voir Jésus et Lazare (Jean 11, 56).
Un beau matin d’avril (qui est le mois de nisan pour les Juifs),
avant d’entrer effectivement à Jérusalem Jésus choisit de monter « un
ânon » (Luc 19, 38), ce qui indique à la fois qu’il est roi de Jérusalem
à la suite de David (2 Samuel 16, 2), mais que son règne est spirituel
et non politique. Il accomplit en cela les prophéties d’Isaïe (Isaïe 62,
11) et de Zacharie (Zacharie 9, 9), celle de la venue du « roi juste et
victorieux qui vient avec humilité » (Matthieu 21, 5) rassembler son
peuple et « proclamera la paix pour les nations. » (Zacharie 9,10).
Cette entrée de Jésus en la ville sainte est donc celle du Messie
annoncé, tant attendue par les Juifs. Lors de sa descente du mont des
Oliviers qui domine toute la ville de Jérusalem, une foule des gens vint
« à sa rencontre » (Jean 12, 13), avec des « rameaux de palmiers »
(Jean 12, 13) à la main, « des branchages des arbres » (Matthieu 21, 8)
ou de la « verdure coupée dans les champs » (Marc 11, 8), l’acclamant
avec des « cris de joie » (Zacharie 9, 9). Les quatre évangiles
détaillent la scène. Matthieu écrit : « Les foules qui marchaient devant
lui est celles qui suivaient criaient : ‘Hosanna !’ » (par deux fois en
Matthieu 21, 9, par deux fois aussi en Marc 11, 9 et une fois en Jean
12, 13).
Le mot hosanna
Mais que signifie donc ce cri ? Conservé en hébreu – la langue
d’origine de la toute première église, qui est celle de Jérusalem – «
hoshi ‘ân nâ’ » est une interjection à partir de l’impératif du verbe
« hoshia », ce qui donne en abrégé « hôshanna » qui veut dire «
sauve-nous ! ». C’est le verbe « sauver » qui s’y trouve indiqué ici
avec une forte insistance collective. C’est comme si on lançait un appel
au secours, un S.O.S. (Save our souls !), qui dit justement « sauvez
nos âmes ! ». On retrouve ce sens dans le nom « Joshua » qui a donné en
français « Josué » (celui qui fit passer le fleuve Jourdain au peuple
hébreu, cf. Josué 1-5) et dans le nom « Ye hoshua » ou « Yeshoua » qui
est celui de ‘Jésus’ qui signifie « Yahvé sauve ». L’évangile de
Matthieu précise d’emblée : « Jésus, car c’est lui qui sauvera son
peuple de ses péchés » (Matthieu 1, 21) et, en Luc, le message aux
bergers est également celui de l’annonce de la naissance d’ « un sauveur
» (Luc 2, 12). « Hoshanna » adopté en grec a donné le mot ‘hosanna’.
On peut approcher le sens de « hosanna ! » dans la Bible et dans la
vie de l’Eglise selon trois niveaux successifs : un niveau liturgique
rituel lors des fêtes juives au Temple de Jérusalem ; un niveau
prophétique à l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem ; et un niveau
eucharistique lors de la célébration des saints mystères, comme à la
messe.
Le sens liturgique dans le judaïsme
1° Voyons en premier le sens liturgique rituel pour les croyants
Juifs. Il se trouve dans l’Ancien Testament, dans la collection des
prières juives adressées à Yahvé, les Psaumes. A la fin de la série de
prières de louanges, les psaumes 113-118, ceux qui sont appelés le
« Halllel », récitées aux grandes fêtes, le psaume 118 est proposé pour
la liturgie de la fête des Tentes. Le début du verset 25 adresse
explicitement à Dieu cet « Hosanna ! », ce que l’on traduit : « Donne le
salut Yahvé, de grâce ! » (Psaume 118(117), 25a). C’est une prière de
supplication pour être sauvé, suivie d’une supplication pour avoir la
victoire. (v. 25b). A ce cri –véritable clameur d’entrée du peuple
montant à l’esplanade du temple – répond la bénédiction donnée par les
prêtres du temple : « Béni soit au nom de Yahvé celui qui vient ! »
(Psaume 118(117), 26a). C’est une litanie d’attente du Messie promis en
un « cortège » qui se fait avec « des rameaux en mains » comme le note
bien le verset suivant (v.27b).
Le sens prophétique
2° Le deuxième sens pour « Hosanna ! » est prophétique On l’entend de
la bouche du peuple juif qui monte à la rencontre de Jésus. Ceux qui
avaient appris la guérison de l’aveugle de naissance à la piscine de
Siloé et la « réveillance » de Lazare de Béthanie reconnaissent en Jésus
le prophète espéré. Car l’esprit de prophétie, était éteint depuis
trois siècles, depuis la mort de Malachie. Et il devait – selon
l’attente du judaïsme – revenir comme signe de l’ère messianique (cf. Bible de Jérusalem,
Cerf, Paris 2000, note c à Matthieu 21, 5). Leur cri devient donc celui
d’une espérance messianique très attendue qui s’actualise. Jésus est
plus que bienvenu et l’évangile de Matthieu présente les foules qui
déclinent son identité : « c’est le prophète Jésus de Nazareth en
Galilée » (Matthieu 21, 11). Si les foules reprennent la même prière de
supplication et même la bénédiction des prêtres (Matthieu 21, 9c, Marc
15, 9, Luc 19, 38, Jean 12,13b), elles les adressent cette fois-ci
directement à Jésus, criant : « Hosanna au fils de David ! Béni soit
celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! »
(Matthieu 21, 9). Marc précise : « Béni soit le Royaume qui vient, de
notre père David ! » (Marc 11, 10). En Jean les foules qualifient Jésus
comme étant « le roi d’Israël » (Jean 12, 13). Luc note également que la
foule en liesse adresse d’une voix forte sa louange à Dieu, bénissant «
celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur ! » mais il accentue la
dimension spirituelle de sa royauté : « Paix dans le ciel et gloire au
plus haut des cieux ! » (Luc 19, 38). Le messie acclamé se veut roi de
paix divine.
Le sens d’acclamation
3° Le troisième sens de « Hosanna ! » – après celui de supplication
de salut adressée à Dieu au temple de Jérusalem et celui de joyeuse
acclamation de Jésus prophète et roi qui vient du mont des Oliviers vers
la ville – est son sens eucharistique. Après le rappel des hauts faits
de Dieu et juste avant l’offrande du sacrifice de louange, les fidèles
chrétiens proclament la sainteté de Dieu (Isaïe 6,3) et ils chantent à
voix haute la gloire de Dieu. Dans cette conclusion de la préface
eucharistique – au moins depuis le IVe siècle. (cf. Présentation Générale du Missel Romain
7 a-b) – on adore Dieu, appelé à notre secours, acclamant Jésus par le
chant de triomphe associant toute l’Eglise, celle du ciel et celle de la
terre : « Hosanna au plus haut des cieux ! Béni soit celui qui vient au
nom du Seigneur. » Par sa Passion, il est en effet aujourd’hui encore
et toujours le Sauveur qui nous a sauvés du péché, de la mort, de
l’ignorance de l’alliance éternelle de Dieu en son messie, qui est le
Christ Jésus. C’est au dimanche avant Pâques que les fidèles, rameaux ou
palmes à la main, solennisent cette joyeuse entrée en leur cœur de
l’unique sauveur.
Acclamer la présence divine
Mais ce n’est pas fini. Le temple avait été voulu par le roi David
pour garder ‘l’arche d’alliance’, pour rappeler ‘la tente de la
rencontre’ de Dieu avec son peuple en marche vers la libération ; donc
pour honorer la présence de Dieu au milieu de son peuple, sa ‘shekinah’.
Il vient effectivement en la personne de Jésus, qui purifie le temple
pour qu’il soit une « maison de prière » (Isaïe 56, 7 ; Matthieu 21,
13b). Jésus monte ensuite sur l’esplanade et guérit « aveugles et
boiteux qui s’approchèrent de lui » (Matthieu 21, 14). Alors, à cette
vue « les enfants criaient dans le temple : ‘Hosanna au fils de David !’
» (Matthieu 21, 15). Face à l’indignation des grands prêtres et des
scribes, Jésus leur indique avec sagesse le psaume qui dit : « de la
bouche des tout-petits… tu t’es ménagé une louange. » (Psaume 8, 3).En
s’appliquant ce chant, Jésus leur révèle la présence divine reconnue en
lui, mais méconnue par eux qui persistent dans l’incrédulité et il
écarte tous les abus qui viennent d’ « un repaire de brigands » (Jérémie
7, 11 ; Matthieu 21, 13c). Jésus – tel le prophète Ezéchiel, face « aux
rebelles de la maison d’Israël ». (cf. Ezéchiel 3, 7.9.12) – avait déjà
répliqué aux pharisiens lui demandant de « réprimander ses disciples »
(Luc 19, 39) par la malédiction prophétique d’Habaquq « Si eux se
taisent, les pierres crieront ! » (Habaquq 2, 11). Car on n’arrête pas
la vérité de la visite de Dieu pour sauver son peuple et l’univers tout
entier ! (cf. Jean 1, 5-10 ; 4, 42).
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