Transmettre la foi :
entre renouveau et continuité…
Le verbe « transmettre » nous met
d’emblée sur la piste et le registre patrimonial de l’« héritage », un héritage
à
dépoussiérer peut-être, à inventorier sans doute, à sauvegarder aussi, avant
transmission aux jeunes générations en le rendant toujours accessible à tous.
On parle bien dans la théologie
classique du « dépôt de la foi », une expression qui dit le trésor de l’Eglise et du Royaume, à accueillir sans cesse, à vivre et à transmettre toujours. Cependant,
il y a quelques décennies encore dans la catéchèse, l’insistance portait sur l’acquisition de connaissances,
en témoigne le style des catéchismes questions-réponses des parents et
grands-parents, le tout appuyé solidement sur une culture chrétienne encore relativement
large.
En revanche, le contexte
contemporain bien différent maintenant et davantage sensible à l’expérience a
suscité l’émergence de nouveaux parcours de catéchèse ou de nouvelles méthodes
catéchétiques : en France, on parle beaucoup de pédagogie d’initiation ou d’engendrement.
Elle met en valeur l’expérience commune de la Parole de Dieu, illustrée par la
vie des saints et explicitée par la Tradition de l’Eglise.
La foi ne s’invente pas, mais se
reçoit
Dans un contexte ambiant de subjectivisme où l’on porte aux nues l’individu et ses choix personnels, dans une
culture de l’audimat et de l’image où l’on est responsable devant aucune
instance hormis la « toute puissante opinion publique » et ses tribunaux
souvent cruels, il est nécessaire de tenir deux aspects essentiels de la foi :
la foi comprise comme un contenu objectif qui vient éclairer notre intelligence et nos vies ; elle ne s’invente
pas mais se reçoit.
Ce premier aspect prémunit les croyants
contre les dérives sectaires, magiques ou superstitieuses, ainsi que contre les
modes spirituelles par définition changeantes. Elle réclame bien alors un travail
de compréhension, d’assimilation et d’adhésion de l’intelligence aux vérités
héritées de l’Evangile et transmises par la communauté des croyants. De ce
point de vue, la foi comprise comme un credo à découvrir vient heurter de plein
fouet le scepticisme actuel qui ne tient pour vrai que ce que la science prouve
et nous donne finalement à … croire !
Un effort reste a faire sur cet
aspect de la foi trop souvent négligé depuis 40 ans en France : une nourriture
solide n’est pas ennemie d’une vie chrétienne joyeuse, bien au contraire ; une
foi solidement enracinée dans l’intelligence et la culture ne s’oppose pas à la
simplicité de vie mais favorise une liberté d’action et de rencontre des autres
traditions ou religions, y compris de l’athéisme !
“Une expérience personnelle
de Dieu lui-même” 
L’autre aspect essentiel de la foi consiste
en cette expérience personnelle de Dieu lui même ! Le film Qui a envie d’être aimé ? raconte l’histoire
d’un papa, avocat brillant, littéralement retourné et bouleversé lors d’une
soirée de présentation de la foi, soirée qui va marquer un « avant et un après
» dans son cheminement. Une rencontre inattendue, irrationnelle,
bouleversante… un peu honteuse aussi : le Seigneur devient pour lui « Quelqu’un
» et Quelqu’un de présent, de vivant et d’agissant, et Quelqu’un qui répond à
son besoin d’être aimé ! Pourtant rien ne prédisposait Antoine à cette rencontre.
Son action est d’ailleurs très limitée : il s’ouvre et se laisse toucher, petit
à petit… rien de plus.
Croire n’est ni une volonté de sa part, ni un
idéal qu’il souhaite suivre, ni un combat qu’il veut mener, c’est une
rencontre. Pour cela il faut accepter de tout lâcher, de s’abandonner,
se donner, se livrer, corps et âme, et laisser Dieu s’emparer
de tout. Et puis, contrairement à ce qu’on nous enseigne parfois, faire
confiance à nos désirs...
> Un itinéraire à parcourir
Pour ceux qui ont fait cette expérience
intense, mais souvent discrète, la suite du chemin va engendrer des
comportements différents, une transformation de la pensée et de l’agir ; il s’agit
donc d’un itinéraire à parcourir ; il intègre en tant
que tel, des moments de doute, des dérapages et des égarements, des pauses,… et
simplement, les va-et-vient de la liberté humaine, appelée à s’en remettre à
Dieu et à ses projets…nos contemporains sont particulièrement sensibles à cette
dimension plus intérieure de la vie religieuse, loin du phénomène de masse et
des innombrables prescriptions morales et des dogmes difficiles.
Précisons cependant que Dieu est au-delà du
ressenti et de l’émotion : si, pour lancer ou relancer une vie de foi, le
Seigneur nous touche sensiblement, l’enjeu est bien ensuite d’enraciner cette
relation personnelle dans une fidélité qui dépasse le sensible et dans une vie
ecclésiale avec d’autres.
l’Eglise ne doit pas fonctionner par attirance
mais par transparence !

Cela dit, nous pourrions inventer toutes les
méthodes possibles de catéchèse et de transmission de la foi, outre la
liturgie, lieu de son expression privilégiée, la meilleure demeurera toujours
la vie des chrétiens elle-même : ce sont eux qui rendent visibles
Dieu et son Royaume.
Une communauté chrétienne doit toujours se
maintenir en situation d’auto-évangélisation mais également se mettre en
situation d’évangélisation : ainsi tombe le registre parfois maladroit «
intérieur – extérieur » pour parler des chrétiens et de ceux qui ne le sont
pas, ou encore le registre « eux - nous » comme si les frontières de l’Eglise n’étaient
pas en l’homme lui-même !
Il est donc nécessaire aux communautés chrétiennes
d’être fidèles à l’évangile tout en restant ouvertes aux 99 brebis hors de l’Eglise
visible, qui attendent l’évangile et auxquels en tout cas l’évangile est aussi
destiné.
En fait, d’une certaine manière, la question de
la transmission de la foi ne devrait pas se poser : si l’Eglise est bien
elle-même, c’est à dire « missionnaire par nature », si en elle, se poursuit l’unique
mission de Jésus Christ, avec toute l’inventivité qui caractérise l’amour
divin, alors la contagion qui a pris au coeur les 12 apôtres, il y a 2000 ans,
ne peut pas ne pas continuer sa course. Notre pape Benoit XVI le précisait en
Angleterre : l’Eglise ne doit pas fonctionner par attirance mais par transparence
!
Père Nathanaël Grard
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